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mercredi 26 mars 2014

Les demandes de devis en ligne à des avocats : gratuit ou payant ? tout dire ou non ? Le code de bonne conduite de l'internaute.

Les avocats reçoivent régulièrement des demandes de devis par internet et les internautes sont ravis de pouvoir recevoir des devis gratuitement, sans être facturés 300 EURO pour une consultation au cabinet, lors de laquelle ils retiennent un mot sur trois ce qu'on a pu leur dire.

Mais la gratuité du devis de l'avocat répond à certaines règles et je crois qu'il est plus que temps que l'internaute soit éduqué à ces principes qu'il ne connait pas forcément.

La plupart du temps, les interrogations des internautes, futurs éventuels clients des avocats, tournent autour de ce qu'ils pourraient entreprendre et surtout de combien cela va leur coûter.

C'est d'ailleurs bien naturel, et il ne faut pas réprimander un justiciable qui demande tout de suite à l'avocat qu'il consulte combien cela va coûter, car je pense que c'est une trace de l'honnêteté (au moins intellectuelle) de la part de ce client, dont la détermination à régler les honoraires de l'avocat n'est pas forcément feinte.

Toutefois (et là je m'adresse aux internautes non avocats qui envisagent d'introduire une action judiciaire) si un avocat ne répond pas immédiatement à votre demande de fixation d'un tarif, notamment pour une procédure judiciaire, la plupart du temps, c'est parce que la situation que vous avez exposée n'est pas complète ou ne permet pas à l'avocat de se faire une idée précise des options procédurales qui s'offrent à lui, et donc à vous.

De plus, une procédure judiciaire n'est pas un acte unilatéral : sauf ordonnance 145 Cpc ou ordonnance LCEN, c'est une procédure contradictoire où les diligences de l'avocat et donc le temps passé par l'avocat sur le dossier, sont fonction des arguments et des facéties de la partie adverse, voire même, parfois, du juge.

Enfin, le Code de procédure civile et le Code de procédure pénale comptent suffisamment de règles et d'exception, sans compter les textes dérogatoires du Code de la propriété intellectuelle ou de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, pour qu'i soit permis à un avocat de douter sur la bonne voie à prendre dans telle ou telle situation...

... et donc de douter sur le montant du devis à établir en fonction de la complexité du dossier.

Soyez donc aussi généreux avec l'avocat que vous espérez qu'il le sera avec vous : faites lui croire en votre dossier en évitant ; 1) d'en rajouter comme si vous étiez la plus malheureuses des victimes (nous avons déjà eu un cas plus grave que le vôtre, si, si) ; 2) de vous borner à poser des questions du type "avant d'aller plus loin..." ou encore "avant de répondre à vos questions..." lorsque votre avocat vous pose des questions ; 3) de craindre la facture de l'avocat comme si c'était une sanction.

Ce genre d'attitude méfiante chez l'internaute éveille des soupçons chez l'avocat.

Et vous n'avez certainement pas envie que votre avocat soit soupçonneux à votre égard... cela risquerait de transpirer devant le juge, si toutefois l'avocat accepte votre dossier, et alors le droit pourrait bien devoir s'appliquer, malheureusement pour vous (pour paraphraser l'avocat d'un ancien Président de la République que je ne nommerai pas).

On ne veut pas d'un avocat soupçonneux : on veut un avocat convainquant. Soyez-le donc, vous-même, avec votre avocat.

En effet, si un avocat vous interroge, en réponse à votre premier courriel, sur les faits, leurs circonstances et/ou s'il vous demande des pièces et notamment votre carte d'identité ce n'est pas forcément pour vous facturer honteusement et de manière démesurée des services qu'il ne considère peut-être même pas lui-même comme encore rendus (ceci dit, je ne me permettrais pas de parler pour tous mes Confrères).

Si votre avocat vous interroge ainsi, c'est précisément pour faire le tour de la question que vous lui soumettez.

Encore aujourd'hui, j'ai le cas d'une charmante dame qui m'interroge à la suite d'un premier courriel en réponse que je lui ai adressé lui demandant des précisions importantes sur son dossier : "Avant d'aller plus loin dans nos échanges, j'aurais quelques questions complémentaires" m'écrit-elle.

Mais, cette charmante dame n'a pas répondu à mes questions : quels sont les liens internet des infractions litigieuses ? par quelle requête Google y arrivez-vous ? qui est l'éditeur du service ? qui en est l'hébergeur ?

Et, sans aucune réponse à ces questions, je devrais répondre aux questions : quelle procédure sera la plus efficace ?  combien coutera-t-elle ? et combien de temps prendra-t-elle ? Eh, bien, non : ce n'est pas ainsi que cela fonctionne.

Aussi désagréable que cela puisse paraitre, c'est l'avocat qui dirige le dossier, pas le client : le client opère des choix en fonction des propositions de l'avocat ; on appelle ces choix des "instructions".

En clair, l'avocat suggère des options et le client choisi parmi ces options : elles deviennent des instructions pour l'avocat.

Et, selon ce principe, je tiens à interpeller tous les internautes en quête d'un devis gratuit d'avocat, pour moi et pour l'ensemble des avocats de France et de l'Union Européenne : ne répondez pas aux questions d'un avocat par d'autres questions.

Répondez aux questions en répondant aux questions. Vraiment.

Vous vous rendrez service et vous éviterez que l'avocat soit tenté de vous adresser une facture mirobolante avant même de lire votre dossier en se disant "ce client va être ch...armant mais sans doute un peu insistant".

Pour ma part, je suis un peu plus tolérant et j'évite ce genre de raccourci réduisant le client à un nuisible à qui il faut faire cracher son fric. Non, tous les avocats ne sont pas ainsi, je pense qu'il est temps de le rappeler.

Je me suis donc fendu d'un nouveau courriel explicatif à cette charmante dame, persuadé que cette dernière n'avait pas compris l'importance de mes questions. Cela m'a encre pris 45 bonnes minutes gratuites.

Mon frère, Directeur commercial d'un belle entreprise me rappelait qu'il passait bien plus de temps à faire de devis gratuits. Je me suis humblement permis de lui rappeler qu'il recevait un salaire pour cela... et que ce n'est pas le cas des avocats.

Mon frère est compréhensif à mon égard. Visiblement, mes clients, moins (moinnssse pour mes amis Castrais et Toulousains).

Il n'en demeure pas moins qu'il me parait juste de soutenir qu'il ne faut pas s'attendre à être pris au sérieux par celui que vous prenez pour un jambon.

Donc quand votre avocat vous pose des questions, il faut lui répondre, sans rien oublier, même si la honte vous étreint.

Et quand il vous fixe un devis et un budget et que vous n'en avez pas les moyens, il faut le lui dire, tout simplement : des solutions de lissage des paiements dans le temps sont possibles, surtout lorsque la procédure judiciaire est longue.

Matthieu Cordelier
Avocat à la Cour
http://www.cordelier-avocat.fr

jeudi 20 mars 2014

Ecoutes indirectes : l'avis d'un Ancien Membre du Conseil de l'Ordre des Avocats de Paris

J'ai été autorisé par un un Confrère que j'apprécie et que j'admire à publier ses propos tenus au sein d'une lettre ouverte qu'il a diffusée auprès de plusieurs d'entre nous, à propos des écoutes qui font tant de bruit dans la presse et chez les magistrats qui s'offusquent de noms d'oiseaux alors que j'ai pu entendre, ici ou là, bien plus insultant à l'égard de la profession d'avocat (tant de la part de magistrats du siège et que de magistrats du parquet).

Je pense donc utile de diffuser son message car, outre son caractère parfois "piquant", il porte une vraie proposition de contrôle quant aux écoutes que les juges pourraient décider de mettre en place sur les lignes téléphoniques ou autres moyens de correspondance privée des avocats.

Il me semble utile de rappeler qu'il ne s'agit pas seulement d'une liberté fondamentale des derniers gardiens des libertés des justiciables : la confidentialité et le secret professionnel sont inscrits dans la loi de 1971 régissant la profession d'avocat ; c'est donc un devoir, une obligation qui s'impose à tous, même aux juges d'instruction.

Par précaution, j'ai volontairement masqué son patronyme. Le reconnaitront ceux qui ont l'habitude de le lire et/ou de le fréquenter.

Pour ma part, je lui donne mille fois raison.

Amis, Compagnons et Camarades,

Comme vous, je suis choqué d’apprendre qu’un avocat peut être mis sur  « écoutes indirectes » et que ses propos soient retranscrits dans des Procès Verbaux. Il s’agit de la mise en danger d’une règle essentielle au bon ordre de la société

Quand je lis les propos un peu bourrus que cet Avocat tient à propos de magistrats, j’en frémis. S’il m’est arrive d’être l’objet d’écoutes « indirectes » je suis bien persuadé qu’il m’est arrivé de m’exprimer de façon bien moins élevée, en m’inspirant du répertoire des chansons gaillardes que mon grand père m’a apprises, je pense à la « Petite Huguette » ou aux « Trois Orfèvres ». Heureusement, ou peut-être hélas, la prescription est acquise et plus personne ne peut plus m’obliger à chanter. Là est aussi une règle fondamentale au bon ordre social.

A l’évidence, il n’est pas raisonnable de laisser Juge d’Instruction le droit d’ordonner ou d’exploiter des écoutes. La nature humaine fait qu’il ne peut qu’être tenté d’abuser de ce droit.  Pour ceux d’entre vous qui ont pratiqué le Rugby, il s’agit d’une infraction à la règle du plaqueur-plaqué.

Notre Ordre et nos Bâtonniers vont en parler au Président de la République. Je leur avais suggéré de réserver le droit d’écouter à trois magistrats tirés au sort en début d’année. On m’a fait valoir que cette affaire était sérieuse et qu’il fallait arrêter de rigoler.

 Trois possibilités semblent ouvertes :

- réserver le droit d’ordonner et d’exploiter les écoutes au JLD
- réserver ces mêmes droits à un magistrat Civil, le Premier Président du Tribunal
- les réserver à la Haute Autorité chargée du contrôle des interceptions administratives.

Je ne pense vraiment pas que le JLD soit une bonne solution. Il existe avec le Juge d’Instruction un lien trop fort de consanguinité. Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.

Je suis réfractaire aux « Hautes Autorités » dont la propension à la révolte m’a toujours semblée limitée.

Reste le Président du Tribunal. Jusqu’à une date récente, c’est lui qui examinait les pièces saisies chez un confrère perquisitionné et placées sous scellés à la demande du représentant de  l’Ordre. Nous n’avions pas à nous en plaindre.

Et vous, qu’en pensez vous ?


Etienne T., AMCO ASC etc…