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vendredi 28 novembre 2014

Un magistrat dénonce le refus d'une gendarmerie de prendre une plainte pénale

Un article de Marine Babonneau paru dans Dalloz Actualités nous apprend qu'un magistrat pourrait faire l'objet d'une décision d'abaissement d'échelon (comprenez "rétrogradé" quoique le terme soit imprécis) parce qu'il aurait abusivement fait valoir sa fonction.

Une telle décision (prévue pour le 19 décembre prochain), si elle était rendue par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) ne pourrait être acceptable que si ce magistrat avait agi dans un intérêt purement personnel (et non pour un tiers) ou à des fins inavouables de trafic d'influence ou autre... Cela ne semble aucunement être le cas.

Le magistrat se serait borné à se "fritter" (ce sont mes termes, non ceux du CSM) avec des gendarmes ayant refusé de prendre la plainte d'un artisan... et il pourrait faire, à ce titre, l'objet d'une sanction disciplinaire, uniquement en raison - je le suppose - de la forme de son intervention.

Sur le fond, il semble bien difficile de donner tort à ce fonctionnaire de justice dont l'intervention porte précisément sur l'accueil réservé aux justiciables qui souhaitent porter plainte. 

Explications sur l'un des points, noir et faible, du fonctionnement de la justice.

Une querelle interne aux institutions judiciaires & un dossier politique ?


Il n'est aucunement question de revenir sur la forme et sur le ton des échanges qui sont intervenus entre gendarmes (cela aurait pu être des policiers, alors - surtout - que ces derniers ne se gaussent pas trop) et le juge, conseiller à la Cour d'appel de Versailles et ancien Président de Cour d'assises, car on ne saura probablement jamais qui le premier a prononcé des noms d'oiseaux. A vrai dire, peu importe.

Par expérience personnelle, je sais qu'on obtient parfois un minimum de respect de la part d'un officier de police judiciaire (gendarme ou policier) qu'à compter du moment où l'on a signalé sa profession... Et il également acquis qu'avec certain nombre de ces fonctionnaires de police ou de gendarmerie, l'effet produit est parfois l'inverse de celui escompté, car ils prennent cela pour une menace... Alors que le signal envoyé n'est pas une menace mais l'envie de bien faire comprendre qu'ils ne pourront pas raconter n'importe quoi en notre présence.

Là n'est donc pas la question. La question est davantage : il y a eu querelle, certes, mais cela est-il suffisant pour motiver la sanction d'un magistrat ? Ce magistrat avait-il raison de s'agacer du comportement des gendarmes ?

C'est un débat de fond : il est acquis aux avocats, aux magistrats du siège, aux procureurs et aux justiciables que nombre de policiers ou de gendarmes ont l'habitude "d'enfumer" le justiciable en lui expliquant que sa plainte ne sert à rien ou qu'il n'y a pas lieu de porter plainte "pour ça"...

Ce dont il est en réalité question est d'examiner de manière critique la sanction dont le magistrat fait l'objet au regard du refus de plus en plus fréquent des dépôts de plainte... 

Et cela est très clair dans le dossier : il est reproché au magistrat un manque de prudence et de retenue dans le fait d'avoir accompagné physiquement un artisan éconduit, sur place, dans les services de police judiciaire de la gendarmerie concernée qui avait refusé son dépôt de plainte.

C'est donc un problème de "cuisine", interne aux services de police judiciaire et des institutions judiciaires. Mais il n'y a aucunement trouble manifeste à l'ordre public, ni même recherche d'un intérêt particulier propre au magistrat mis en cause, et encore moins obstruction à enquête, bien au contraire.  

Par conséquent, pour des faits qui ont simplement consisté à voir des gendarmes (je répète ç'aurait pu être des policiers) se faire engueuler par un magistrat (de manière justifiée sur le fond), la sanction d'abaissement d'échelon semble lourde, disproportionnée.

Il aurait dû faire de même, au téléphone, depuis son cabinet ou depuis chez lui, en usant du même ton, et - j'espère - des mêmes qualificatifs. Car tout le problème est là : sur le fond le magistrat a raison.

En réalité, il faut lire entre les lignes : la vraie faute du magistrat du siège pourrait être, après son passage au poste de gendarmerie, d'avoir remué ciel et terre pour faire entendre raison aux institutions, que ce soit de la police judiciaire ou du parquet, en passant notamment par des courriers adressés directement par ses soins au Garde des Sceaux et des "flyers" adressés à ses collègues magistrats.

Si le CSM peut valablement reprocher à son fonctionnaire de justice de s'être rendu personnellement au poste de gendarmerie où s'est produit un échange de tirs verbaux, il ne peut en revanche pas sanctionner un magistrat pour avoir accompli ce qui, à mon avis fait partie de ses attributions : dénoncer le fonctionnement d'une partie de la justice, la plus importante ; celle qui mène ou non un dossier devant le juge et devant le procureur.

Le dossier est donc par trop empreint d'une traînée politique : ne faites pas de remous ; vous êtes en train de dire beaucoup trop fort ce que tout le monde pense tout bas ; cela dérange le Ministre, voire davantage que le Ministre. Aïe ! Dommage pour les stats.


L'impuissance du justiciable face au refus des poursuites, inertie naturelle des services de police/gendarmerie et du Procureur de la république


Pour tenter justifier de sa décision, le CSM n'y va pas avec le dos de cuillère : il décrit volontiers le magistrat sanctionné comme un brin « rigide » et « pénétré de l’importance de ses fonctions ». 

Eh, bien, zut ! Il a raison, ce magistrat. Et le fait qu'il soit rigide ou qu'il se prenne trop au sérieux (puisque c'est ce que cela signifie) ne mérite absolument pas un abaissement d'échelon. Une admonestation paternelle, un avertissement... ce que vous voulez, je ne sais pas et je me fiche de savoir comment le CSM classifie ses sanctions... mais pas un abaissement d'échelon !

Nous, pauvres avocats, sommes loin d'avoir le pouvoir et la puissance de feu d'un magistrat face aux autorités policières ou de gendarmerie. On a beau baver, nos postillons n'atteignent guère le bleu uniforme, quand bien même il nous arrive d'avoir mille fois raison (pas toujours, mais cela nous arrive). Par conséquent, je ne peux que donner raison à ce magistrat d'avoir agi comme il a agi : ses tirs croisés de mots fleuris échangés avec les autorités de police / gendarmerie sont un baroud d'honneur que je salue.

Et, oui, disons-le haut et fort, chers membres du CSM, Madame le Garde des Sceaux, et, vous, procureurs, commandants de la police et de la gendarmerie qui refusez régulièrement les plaintes de nos clients : il y en a assez de vous voir mépriser les justiciables au point de leur raconter n'importe quoi sur la règle de droit ou son application.

Si cela n'arrange pas le taux de résolution des affaires du commandant, du ministre ou du procureur, entendez-le bien : le justiciable français s'en fiche ; ce qu'il souhaite, ne serait-ce que d'un point de vue matériel (sans parler de l'aspect psychologique), c'est d'être entendu et qu'il soit compati à sa douleur dans un effort de prise de plainte, même si on sait que cela ne changera rien à la résolution de l'affaire.

Le justiciable en a besoin vis-à-vis de son assureur et de son comptable : quand une victime se présente, il me semble superflu pour ne pas dire carrément déplacé de lui jeter un regard qui signifie "je m'en fiche de ton problème" en lui expliquant de manière mensongère que le "délit n'est pas caractérisé" ou que ça ne servirait à rien de porter plainte.


La toute puissance des institutions enfin dénoncée par un magistrat s'agissant du refus de réception d'un dépôt de plainte


Et alors, faites-moi plaisir, ceux que je fustige : attaquez-moi en diffamation et je serais ravi de faire une magnifique offre de preuve (vive l'exceptio veritatis) notamment en produisant de nombreuses attestations de clients et des courriers de classement sans suite par différents parquets de France... classement sans suite opéré pour des raisons parfaitement injustifiées, tel que cela peut être aisément démontré. Vous connaissez l'effet Streisand ? Non ? Ca va venir.

Mais voilà qu'on touche le fond de l'affaire : que le Procureur classe sans suite, parce que le dossiers ne couvrent que des "préjudices individuels" et trop peu l'intérêt général... ce que les difficultés de budget de la justice et d'encombrement des juridictions ne peut plus permettre de poursuivre. On peut l'entendre.

Mais il faut le dire tel quel : "désolé, votre affaire, nous n'avons pas le pognon pour instruire et poursuivre votre affaire... faites une citation directe avec votre avocat, si vous avez suffisamment d'éléments, ça nous arrangera" (cela d'ailleurs m'inspire un autre article à venir précisément sur la citation directe).

Mais qu'on refuse un dépôt de plainte à un artisan, un professionnel ou un particulier pour des raisons qui sortent totalement du Code pénal et du Code de procédure pénale, est clairement abusif.  Et, le magistrat qui dénonce cela ne devrait pas être sanctionné par le CSM, car il avait mille fois raison de taper du point sur la table.

Car, nul doute que c'est moins le comportement du magistrat au poste de gendarmerie  que l'extériorisation de sa pensée, après l'incident, auprès du Garde des Sceaux et de ses collègues magistrats qui semble poser problème.

La décision de sanction du CSM pourrait donc être excessive si elle entérinait l'abaissement d'échelon proposé... et j'espère, dans une telle hypothèse, qu'elle serait frappée d'appel et réformée : un magistrat, tout fonctionnaire qu'il soit, ne devrait pas être bâillonné au point de ne plus pouvoir dénoncer les dysfonctionnements d'une machine dont il est un des rouages.

A défaut, c'est sa liberté d'expression qui est remise en cause : son droit de critique sur l'institution à laquelle il appartient... étant entendu que, à cet égard, il n'a pas été excessif dans l'exercice de cette liberté, puisque ses missives se sont bornées, selon le propre rapport du CSM, à toucher le Garde des Sceaux et ses collègues magistrats.

Aucune autre publicité ne peut lui être reprochée.

Il y a là un problème fondamental, une atteinte à un droit fondamental, qui méritent amplement d'être défendus et sur le fond et sur la forme, y compris jusque devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme. 

A mon sens, le CSM ne peut pas violer le droit à la liberté d'expression de ce magistrat car il sanctionnerait abusivement et de manière excessive un comportement et des écrits postérieurs aux seuls faits qui pourraient éventuellement être sanctionnés, mais de manière bien moins excessive que ce qui a été requis. 

Mais ce serait alors peut-être fait exprès, s'agissant d'un public (très) averti en matière de droits fondamentaux : le but est être de passer un message ? Si non, eh bien... il passera quand même et pas forcément dans le sens espéré. C'est aussi cela l'effet Streisand.

mercredi 26 novembre 2014

Honoraires d'avocat et article 700 du Code de procédure civile : une réforme nécessaire

Une réflexion m'est venue à la lecture de l’avant-projet de loi pour la croissance et l’activité, également appelé "Projet de loi Macron", au regard notamment de la modification de l'activité d'avocat et des conséquences financières de cette loi pour le justiciable.

Le but de cette loi étant supposément de rendre plus accessible, parce que plus compétitif, le droit et la justice aux justiciables, il apparait surprenant que le projet de loi reprenne l’une des propositions du rapport Lacabarats, à savoir : étendre au champ prud’homal l’obligation de représentation en appel... sans pour autant prendre en considération une modification de l'article 700 du Code de procédure civile (Art. 700 Cpc).

Ce faisant, le législateur risque d'oublier le coût de cette loi pour le justiciable, ce alors même que l'octroi d'indemnités au titre des frais de représentation en justice (c'est à dire notamment les honoraires d'avocat décrits comme "hors dépens" par l'art. 700 Cpc), est laissé à la (trop) libre appréciation du juge.


La représentation en justice de plus en plus nécessaire


Soyons clairs : la proposition du Président Lacabarats, Président de chambre à la Cour de cassation, est inévitablement une bonne proposition. D'ailleurs, comme je le soutenais dans un précédent article, l'essentiel de la procédure prud'homale est à revoir dans le sens des propositions du Président Lacabarats.

Mais si, hier, les procédures "orales" et sans représentation obligatoire par un avocat, étaient encore compréhensibles et "gérables" par un justiciable s'exprimant avec ses propres mots, ces procédures sont de moins en moins orales et de plus en plus techniques, du fait des pratiques des juridictions, de l'inflation législative et de la grande précision de la règle juridique.

Même les Conseils de Prud'hommes, le Tribunal d'instance et le Tribunal de commerce exigent de plus en plus que des conclusions soient déposées, alors que la procédure est en principe ORALE. Les présidents de ces mêmes juridictions invitent plus que fermement, avec un agacement à peine masqué, les justiciables à être assistés d'un avocat.

Combien de mes confrères avocats pourraient dire ne pas avoir été témoin d'au moins une scène devant un T.I. ou un CPH lors de laquelle le/la Président(e) "exigeait" fermement, en ordonnant le renvoi de l'affaire à une date ultérieure, que le justiciable revienne assisté d'un avocat ?

Et que dire de la procédure devant le Tribunal de commerce qui devient de plus en plus formaliste et reposant sur des écrits, nécessitant ainsi de savoir comment présenter sur la forme et sur le fond des demandes devant une juridiction ?

Tout cela n'est pas vraiment choquant : mais il faut arrêter les faux-semblants et instaurer officiellement la représentation obligatoire, éventuellement, la procédure écrite et prendre, en conséquence, les mesures qui s'imposent pour l'appréciation, pour les justiciables, de leurs frais de justice.

A l'heure du RPVA, tout cela me semble tomber sous le sens. 

Il n'y a plus guère que devant certaines juridictions pénales (ex. : le Tribunal de Police), pour de petites infractions, et devant certains juges de proximité, qu'on peut encore défendre soi-même son affaire, sans avocat, et sans risque de se le voir reprocher par un magistrat.


Le coût de la représentation peu ou pas pris en compte par les juridictions


Hors mis certaines juridictions, comme la 3ème chambre civile du Tribunal de grande instance de Paris (et encore ! devant certaines formations seulement et dans certaines conditions), force est de constater que les juridictions ne sont pas généreuses en "article 700" (l'article 700 du Code de procédure civile permet de demander au juge de condamner la partie qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme que le juge détermine, au titre des frais exposés, dont les frais d'avocat, et n'entrant pas dans la catégorie "dépens").

A l'heure actuelle, le texte est clair : c'est le juge qui détermine la somme qu'il y aura lieu d'allouer.

C'est la raison pour laquelle le justiciable (particulier ou société, peu importe), auquel la justice donne gain de cause, ne se verra pas forcément indemnisé totalement des frais d'avocat exposés pour sa représentation par un avocat en justice. Il est en effet très rare qu'un justiciable soit remboursé à 100% par la partie adverse de ses frais d'avocat, même quand il gagne son procès.

Cependant, heureusement, les demandes au titre de l'article 700 Cpc sont modérées par le juge lorsqu'il est face à un particulier dont les ressources sont limitées. Mais le plafonnement des condamnations au titre de l'article 700 Cpc devraient être l'exception et non la règle...

C'est un peu le contraire qui se produit : ce n'est pas acceptable. Et si les juridictions voulaient faire passer le message qu'une procédure coûte toujours de l'argent à celui qui l'intente et que par conséquent il faut y réfléchir à deux fois : 1) le message n'est toujours pas passé, donc il ne serte à rien d'insister ; 2) il faudrait motiver un peu le jugement sur ce point, au moins autant que les avocats s'attachent à le motiver dans leurs conclusions.


L'article 700 du Cpc : une pratique judiciaire obscure


En réalité, la pratique d'une juridiction à l'autre varie de manière extrême quant aux modalités d'application de l'article 700 du Cpc.

En dehors de la 3ème chambre civile du TGI (chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris compétente en matière de propriété intellectuelle), il me semble que la juridiction pouvant se montrer la plus généreuse en matière d'article 700 est le Tribunal de commerce. Corrigez-moi si vous n'avez pas le même sentiment.

Ce n'est toutefois pas un fait statistique documenté, comme d'ailleurs aucun des "sentiments" que je livre dans le présent article... mais c'est l'impression globale de 10 ans de pratique en matière judiciaire.

Et, quelque soit la juridiction, il y a de trop nombreuses situations dans lesquelles on se demande pourquoi le justiciable est privé d'article 700 Cpc : seule la mention "Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile" figure au "Par ces motifs" de la décision, sans autre mention dans le dispositif du jugement.

Autrement dit, les juges se justifient rarement du rejet de la demande indemnitaire formulée au titre de l'article 700 Cpc : il rejettent et point barre. Pas d'explication.

Ils ne se justifient pas davantage de l'octroi d'un article 700 démesuré par rapport à l'état de fortune de la partie condamnée, quand bien même l'article 700 est supérieur aux dommages intérêts octroyés au principal.

Même les avocats - que les justiciables se rassurent - s'interrogent : 
Est-ce par oubli / omission de statuer ou par une copier-coller malheureux de la précédente affaire ? (Ne riez pas, j'ai des exemples) 
Est-ce pour sanctionner un avocat que le juge a trouvé trop long ou trop mauvais ? 
Est-ce par pitié/clémence pour la partie condamnée ? 

On aimerait tous que ce soit pour la dernière raison, et fort heureusement, c'est parfois le cas. 
Mais trop rarement. Le plus souvent, on ne sait pas précisément pourquoi, par défaut de motivation, de la décision sur ce point.


Des condamnations à l'article 700 Cpc au gré de l'humeur du juge ?


Le sentiment doit-il être que l'article 700 Cpc est accordé à la "gueule" du client... et/ou de son avocat ?

Combien de fois ai-je eu le sentiment que j'étais sanctionné, moi, au travers de mon client, pour un dossier que le magistrat a mal évalué ? Et honnêtement, si je reconnais volontiers qu'il arrive qu'un avocat ne trouve pas la formule miracle pour faire comprendre le dossier au magistrat en une phrase...

... je pense néanmoins écrire suffisamment français pour être compris et avoir une tête suffisamment passable pour ne pas provoquer un dégoût viscéral.

Mais, je dois me tromper et sans doute avoir une sale gueule ("même pas je le touche avec un bâton tellement il moche cet avocat, je ne lui donne pas son article 700"), car même lorsque un client particulier (une jolie et jeune photographe, par exemple) gagne face à une entreprise richissime (pas de détail pour ne fustiger personne) voit ses demandes acceptées par le Tribunal au titre de contrefaçon, l'article 700 accordé est très inférieur aux sommes réellement engagées par le justiciable... 

Par conséquent, je me demande forcément où pêche le dossier. Mais le dossier est bon, et il n'y a pas d'erreur dans la formulation ou dans la complétude de mes demandes. 

Et, inversement, il m'est arrivé de constater des situations où un pauvre bougre devenu rapidement sans le sou, entraîné malgré lui dans une procédure contre son banquier, se voyait condamné à un copieux article 700 Cpc... et, là, je me demande où est la clémence du Tribunal.

Ce n'est donc pas la pitié ni la clémence pour la partie condamnée qui motive certaines juridictions, qui se contre-fichent totalement de cet élément. Ce n'est pas non plus en raison de la qualité du travail fourni par l'avocat (ou alors seulement dans l'imaginaire de la juridiction qui verra par la suite sa décision réformée par la Cour d'appel). Ce doit être plutôt lié à une humeur du magistrat, sans pour autant qu'il y ait un raison valable d'avoir cette humeur.

Et c'est sans doute pour cela qu'à plusieurs reprises, dans des dossiers où j'ai eu le sentiment d'être sanctionné par le Tribunal pour la qualité de ma prestation ou de ma relation avec le magistrat qui s'est agacé pendant ma plaidoirie sans que je me laisse faire, devant la Cour d'appel, non seulement ai-je obtenu gain de cause, mais également un article 700 Cpc, sans quasiment changer une ligne de mon argumentation (sauf celles qui consistaient à démonter le jugement pièce par pièce).

Ce n'est donc objectivement pas la qualité du travail de l'avocat ou la tête du client que le magistrat apprécie (du moins peut on l'espérer). 

Dans tous les cas, l'appréciation du principe et du montant de l'article 700 ne devrait être laissée au magistrat que de manière partielle afin de réduire l'aléa du coût de la procédure... car il convient de rappeler que c'est le justiciable qui est sanctionné.


La définition et l'appréciation de l'article 700 Cpc doivent changer


Le petit jeu de devinette sur les motifs de l'application ou non de l'article 700 Cpc doit cesser : au bout, c'est le justiciable qui paie les pots cassés et il n'y aucune raison à cela.

Pour "moduler" sa condamnation, le juge peut prononcer ou non l'exécution provisoire. C'est déjà un pouvoir suffisamment "nuisible" aux parties pour les conduire à la réflexion. Mais l'article 700 Cpc devrait être un paramètre objectif, rationalisé, voire algorithmique.

La règle de l'article 700 pourrait être aisément modifiée en droit français : le gagnant d'un procès, s'il est en demande, et s'il n'est pas face à un particulier non professionnel, devrait obtenir 100 % du montant des dépens et des frais irrépétibles qu'il sollicite, dès lors qu'il justifie de la dépense effective de ces frais.

Et il n'y a rien de manichéen ou d'idéaliste en cela : c'est une appréciation purement économique, qui - me semble-t-il - entre parfaitement dans le dispositif de la loi Macron. Un procès pour quelqu'un qui obtient gain de cause, ne doit pas être, en sus de l'attente de recouvrer sa créance, un coût supplémentaire.

On pourrait également établir un barème en dessous duquel, selon la situation (particulier ou professionnel) le juge ne peut pas passer. Et il est possible, dans le même temps, de prévoir un plafond en fonction des ressources justifiées par la partie qui perd son procès.

Enfin, le seul cas dans lequel il me semble juste qu'aucun article 700 Cpc ne soit appliqué est celui où le juge constate par lui-même que les deux parties au procès ont des torts respectifs. Cela obligerait notamment les juridictions, indirectement, à motiver et à justifier de ce que aucun article 700 ne serait prétendument mérité en soulevant la réciprocité de fautes.

Mais dans tous les cas, je pense qu'il est grand temps de ne plus laisser au juge l'entière maitrise des coûts du procès, dépens et frais irrépétibles inclus, car il me semble que la règle est appliquée de manière bien trop aléatoire.

Ce dont le justiciable et l'avocat ont besoin est d'une certaine forme de lisibilité, même si l'aléa judiciaire demeure attachée à la souveraine appréciation du juge. Car, à l'heure actuelle, il est pénible pour l'avocat et pour le justiciable de devoir se ranger à l'idée qu'en matière d'article 700 Cpc, c'est la surprise. 

lundi 17 novembre 2014

Le Dr. Matt Taylor: victime de diffamation et de cyber-harcèlement sur Twitter

Le Dr. Matt Taylor est l'un des scientifiques ayant travaillé sur le projet Rosetta de l'ESA. Pour rappel, Rosetta et son module Philae ont été lancées par la ESA en vue de l'étude de la composition d'une comète afin, notamment, de déterminer plus précisément les origines de notre système solaire.

Or, Matt Taylor a récemment été la cible d'attaques virulentes de la part de personnes se disant "féministes" sur le réseau social Twitter : le scientifique est accusé d'avoir porté, lors d'une interview sur l'atterrissage et la collecte de données réussies par Philae, une chemise prétendument "sexiste" (voir, ci-dessous la photo officielle de ladite chemise).

A la suite de ces attaques, Matt a cru bon de devoir présenter ses excuses publiquement, lors d'un rapport public sur la tenue de la mission spatiale.


Toutefois, il me semble juste de remettre les choses dans l'état du droit : si la chemise du Dr. Taylor n'est pas au goût de tout le monde, elle n'a toutefois rien de sexiste.

La chemise portée par le Dr. Matt Taylor, lors de l'interview qui aurait déchainé les passions, est la suivante (vous pouvez la retrouver sur la page Facebook de l'artiste en étant l'auteur, Madame Elly Prizeman) :


Cette chemise est donc le fruit d'une création artistique dessinée de la main d'une femme, Madame Elly Prizeman. 

Sur la chemise on distingue aisément une jeune femme blonde, costumée à la manière d'un super-héros (une super-héroïne pour contenter les vrais féministes qui pourraient me lire), tenant différentes armes à feu, dans différentes positions.

Cette héroïne est donc un personnage de fiction, issu de la veine des comics (bandes dessinées américaines). Elle n'a rien de réel et ne représente aucune femme en particulier. De plus cette héroïne est habillée, quoique la tenue soit particulièrement sexy.

En quoi par conséquent, il y aurait-il de sexiste dans le fait de porter cette chemise ? Evoquons les deux principales hypothèses, parmi tant d'autres :
  • Le fait que la jeune héroïne figurant sur la chemise est costumée de manière sexy ce qui serait dégradant pour la femme ? Mais il n'y a rien de dégradant pour la femme, bien au contraire, puisque cette représentation met en valeur le personnage fictif qui est joliment représenté et lourdement armé, comme signe de toute puissance...
  • Le fait que ce soit un homme qui porte cette chemise ? Mais dans ce cas, interdire à un homme de porter ce type de vêtement serait pour moins sexiste : en effet, réserver un style vestimentaire à un genre est la définition même de la discrimination sexuelle. C'est peut-etre d'ailleurs le fond du problème, à force d'aller trop loin dans la théorie féministe, certain(e)s peuvent en devenir sexiste à leur tour. Je pense que cette affaire en est l'exemple.

En réalité, il n'y a rien de sexiste dans la tenue vestimentaire de Matt Taylor. 

Cela aurait peu être différent, si le personnage fictif avait été placé dans des situations dégradantes ou humiliantes pour la femme : par exemple, si la jeune femme avait été représentée nue, et encore ! dans des positions et/ou accomplissant des actes qui auraient rendu la tenue d'Eve dégradante pour le personnage et donc pour le genre qu'elle représente...

Ce n'est pas le cas.

Et pour ma part, je tiens à féliciter Matt Taylor : 
  1. d'avoir mené à bien sa mission Rosetta / Philae laquelle est un succès planétaire ; 
  2. d'avoir contribué à faire connaitre son amie artiste Elly Prizeman qui ne manque pas de talent ; 
  3. d'être un scientifique hors pair, sachant conjuguer tatouages et tenue vestimentaire originale.

Bref, d'être à la fois un mec cool et sérieux.

Ce qui est en revanche beaucoup moins sérieux, ce sont les accusations dont il a fait l'objet.

En effet, dès lors qu'il n'est pas démontré que la chemise portée par Matt Talyor serait prétendument sexiste, et qu'il n'est pas davantage démontré qu'il aurait eu une attitude ou des propos sexistes en portant cette chemise, les accusations dont il fait l'objet son purement et simplement des actes de diffamation.

Par conséquent, si mon analyse est bonne et je pense qu'elle l'est, la diffamation dans un tel cadre serait un délit et les auteurs de messages Twitter comportant le terme de "sexiste" ou "misogyne" à l'encontre de Matt Taylor, seraient susceptibles d'être poursuivis.

Les larmes ravalées par le scientifique et ses excuses formulées ne sont pas un aveu, comme certains voudraient le croire : elles sont la traduction d'un sentiment de culpabilité en raison du harcèlement subi, à l'instar de la victime de viol qui se sent coupable après l'agression dont elle a été victime.

Appelons un chat un chat : le Dr Matt Taylor a été victime de diffamations répétées au point d'un devenir un cyber-harcèlement planétaire. Ses détracteurs ont donc bien de la chance que ce dernier préfère apaiser les choses que de poursuivre les prétendus féministes qui ont sali un scientifique au moment de son sacre.

J'invite tous les twittos à faire circuler cet avis, et notamment les vraies féministes qui auront compris mon propos.

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Dr. Matt Taylor is one of the scientists who worked on the ESA's Rosetta project. As a reminder, Rosetta and its "Philae" module have been launched by ESA to study the composition of a comet, particularly in order to determine more precisely the origins of our solar system.

But Matt Taylor has recently been the target of vicious attacks from people so-called "feminists" on the Twitter social network: the scientist is accused of having worn, in an interview on successful landing and successful datas collection by Philae, a shirt allegedly "sexist" (see below the official photo of said shirt).

Following these attacks, Matt has seen fit to have to apologize publicly, in a public report on the holding of the space mission.

However, it seems fair to me to put things as the law would understand them: if the shirt Dr. Taylor is not to everyone's taste, however, it is not sexist.

The shirt worn by Dr. Matt Taylor during the interview that would have unleashed passions, is as follows (you can find it on the Facebook page of the artist as the author, Mrs. Elly Prizeman)


This shirt is the result of an artistic creation drawn from the hand of a woman, Mrs. Elly Prizeman.

On this Shirt a young blonde woman, dressed in the manner of a superhero, holding different guns in different positions can be easily distinguished.

This heroine is a fictional character from the American comics vein. It is not real and does not represent any particular woman. Moreover the heroine is dressed, though in a sexy manner.

What therefore, would there be sexist in wearing this shirt? Let's talk the two main assumptions, among others:
  • The fact that the young heroine found on the shirt is so sexy costume that would be degrading to women? But there is nothing degrading to women, on the contrary, since this representation highlights the fictional character is beautifully illustrated and heavily armed as a sign of any power ...
  • The fact that this is a man who wears this shirt? But in this case, forbid a man to wear this type of clothing to be less sexist: in fact, a book in a genre style dress is the definition of sex discrimination. It may also be the root of the problem, by dint of going too far in feminist theory, some (s) may be sexist in their turn. I think this case is an example.

In reality, there is nothing sexist in the attire of Matt Taylor.

This would be little different if the fictional character was placed in degrading or humiliating situations for women: for example, if the woman was depicted nude, and more! in positions and / or performing acts that would have made Eve held degrading to the character and therefore it represents the kind ...

This is not the case.

And for my part, I want to congratulate Matt Taylor for:
  1. having completed its Rosetta / Philae Mission which is a worldwide success;
  2. having contributed to make known his artist friend Elly Prizeman with no shortage of talent;
  3. being an outstanding scientist, knowing how to combine tattoos and original cool dress.

In short, to be both a cool and serious guy.

What is however much less serious, are the "charges" against him.

As long as it is not shown that the shirt worn by Matt Talyor would allegedly be sexist, and as long as it is not proved that Matt Taylor would have had a sexist attitude in his speech or in his manners, the alleges charges against him simply are acts of defamation.

Therefore, if I am right, and I think I am, defamation would be a criminal offense and the authors of Twitter messages containing the word "sexist" or "misogynist" against Matt Taylor, would likely to be prosecuted.

Bought in tears and apologies of the scientist are not an admission of what he is unfairly accused, as some would like to believe: they are the translation of guilt because of the harassment, exactly like a victim of rape can feel guilty after the assault.

Let us call a spade a spade: Dr. Matt Taylor was a victim of defamations repeated to the point of becoming a global cyber-harassment. His critics are therefore very lucky that he seems to prefers to soothe things rather than to lay an information against the alleged feminists who damaged the scientist at the time of his coronation.

I invite all twittos to circulate this notice, including the real feminists who will understand my point.

mardi 21 octobre 2014

Réformer les prud'hommes, une nécessité de troisième révolution industrielle

Une récente étude du Ministère des Finances et des Comptes Publics, en date du 16 octobre 2014, démontre que la majorité des jugements des Conseils de Prud'hommes en France est remise en cause, ce qui est un signe de manque de fiabilité du système prud'homal paritaire en place.

Le constat est alarmant. Il est davantage alarmant que Bercy ait mis plus de 15 ans à se rendre compte de ce que dénoncent déjà de longue date, non seulement les avocats, mais également un certain nombre de magistrats professionnels qui siègent ou ont siégé en chambre sociale de la Cour d'appel ou de la Cour de cassation... à l'instar de l'excellent rapport du Président Lacabarats, Président de Chambre à la Cour de cassation, remis en juillet dernier au Garde des Sceaux.

Et ce n'est pas la première fois qu'on frémit à entendre les statistiques des Conseils de prud'hommes.

Pour donner une opinion bien tranchée sur le sujet, bien loin des tirades du comptoir du commerce, je me bornerais à rappeler très de manière très factuelle et juridique, que le Conseil de prud'hommes est une juridiction paritaire.

Autrement dit, chaque formation du Conseil de Prud'hommes (référé ou fond) est composée d'autant de conseillers élus du collège des employeurs que du collège des salariés (1 élus du collège employeur + 1 élu du collège salarié pour la formation de référé ; et 2 élus de chaque pour la formation plénière qui statue sur le fond du litige).

Le propre d'une formation paritaire est, par définition, de se bloquer si les 4 magistrats, divisés en deux camps bien démarqués, votent les uns contre les autres

Cela parait bête à dire, mais parfois les constats les plus simples sont à l'origine des plus belles réformes. Or, la formation paritaire est unique en France : dans toutes les autres juridictions, sans exception, le législateur a toujours prévu un nombre impair de magistrats, précisément pour éviter une situation de "ballotage".

Et précisément, le propre d'une formation paritaire est, par définition, de se bloquer si les 4 magistrats, divisés en deux camps bien démarqués, votent les uns contre les autres. C'est exactement ce qu'il se passe dans de très nombreuses situations.

Et plutôt que de faire du droit et de rendre justice, on constate que de nombreux jugements ressemblent à ceux du Roi Salomon : personne n'a raison, tout le monde à tort, "circulez, il n'y a rien à voir". 

Cela permet notamment d'éviter l'humiliation du départage ? Nul ne saurait répondre à cette question puisqu'il faudrait rentrer dans le détail des discussions et chamailleries entre conseillers prud'homaux en pleine tentative de rendre un délibéré consensuel.

Pour avoir été côté employeur comme côté salarié, j'en suis personnellement témoin : plutôt que de faire du droit certaines formations prud'homales coupent la poire en deux, parfois de manière parfaitement grotesque, et mettent fin au litige en donnant tort aux deux parties au procès. C'est une pratique devenue malheureusement trop courante qui explique largement le taux d'appels important.

Ce n'est pas ce qu'attendent les Français de leur Justice : qu'ils soient employeurs ou salariés.

Les spécialistes seraient tentés de répondre immédiatement "oui, mais en cas de ballotage au sein de la formation paritaire, il existe la formation de départage".

Des conciliations trop rares, et des départages et des appels trop nombreux

La formation de départage du Conseil de prud'hommes est celle qui est composée d'une formation paritaire, présidée par un magistrat professionnel rattaché au Tribunal de grande instance territorialement compétent (à savoir donc : 2 conseillers prud'homaux du collège des salariés + 2 conseillers prud'homaux du collège des employeurs + 1 juge professionnel du TGI).

Le problème est précisément que le taux d'affaire mise en départage est croissant, inégal sur le territoire "variant de 41 % à Angers, 43 % à Bobigny mais de 1 % à Cherbourg ou 3 % à Aix-les-Bains" nous apprend l'étude du Ministère des Finances.

Dans les deux premiers cas, c'est trop. Dans les cas de Cherbourg et d'Aix les Bains cela paraît  une statistique anormalement basse, sauf à êtres les meilleurs élèves de la classe (c'est à dire avec le taux d'appel le plus faible de France, ce qui n'est pas démontré dans l'étude...).

Surtout, la fonction première du Conseil de Prud'hommes est d'instaurer une procédure de Conciliation obligatoire.

Or, l'étude du Ministère des Finances nous apprend que "l'étape obligatoire de conciliation prud'homale n'a permis de résoudre le litige que dans 5,5 % des affaires en 2013."

C'est extrêmement faible. Et si je dois reconnaitre qu'il m'est arrivé de faire face à des formations de conseillers prud'homaux très incitatives à recourir à la conciliation ou à inciter à une transaction avant l'audience de jugement, il faut bien dire qu'elles sont des exceptions.

Le résultat de l'étude de Bercy est là : la plus mauvaise note est attribuée à la phase de conciliation.

Vient ensuite le problème de la formation paritaire de jugement qui se met en situation de blocage et qui rend des jugements vides de sens pour ne pas recourir au départage et pour ne pas avoir à se mettre d'accord. La faillite du système est constatée.

Des solutions : une phase conciliation plus "coercitive", la rupture conventionnelle, le droit collaboratif, la transaction

Dans la plupart des cas, il faut bien reconnaitre qu'il y a un problème humain, viscéral, passionnel dans le débat qui est parfois bloquant pour trouver une issue dans la conciliation, le droit collaboratif ou une solution négociée.

Les justiciables ont donc la première place de "fautifs" dans l'échec de la conciliation : les Prud'hommes sont vus, à tort, par les parties, comme une juridiction où tout est possible, notamment en raison du caractère passionnel du conflit. Il faut casser cette image désuète. L'avocat est le deuxième responsable de l'échec de la conciliation : c'est à lui de faire entendre raison à son/sa client(e) ; ce n'est pas au client de dicter la conduite du procès.

C'est en effet là que doit intervenir l'avocat et, à défaut, que la réforme de l'institution prud'homale doit être envisagée. En effet, si des solutions existent, ce n'est pas seulement dans l'idée d'une phase de conciliation plus "coercitive" (après réforme) : la rupture conventionnelle, le droit collaboratif, la transaction... sont autant d'outils qui sont activement utilisés, et hors statistiques.

Mais peut être pas encore suffisamment. Le droit collaboratif parait pourtant notamment une voie originale et moderne de sortir du conflit : c'est la voie de la troisième révolution industrielle du prophétique Jeremy Rifkin (La Troisième Révolution Industrielle, éd. Broché, janvier 2012) ... mais également de Richard Susskind (The End of Lawyers, Oxford univ. Press, 2010).

A ce titre, et pour revenir aux statistiques, la phase de conciliation est la vraie bonne idée dans la procédure prud'homale. Mais, malgré les efforts faits pour obliger les parties à venir ou à se faire correctement représenter (exception au mandat ad litem des avocats), force est de constater que personne ne croit à cette phase : ni les parties, nie leurs avocats, ni même la plupart des conseillers prud'homaux qui n'arrivent même pas eux-même à se mettre d'accord (comment peuvent-ils alors prétendre faire la leçon à ceux qui les ont élus ?)

Or, Bercy s'inquiète du coût engendré par les Conseils de prud'hommes pour une efficacité toute relative. 

Il serait donc intéressant d'envisager de rendre plus coercitive cette phase de conciliation, ainsi que plus confidentielle - et peut être hors la présence de conseillers prud'homaux, à l'instar de ce qui est fait au Tribunal d'instance, en Juridiction de proximité et devant le Jude aux affaires Familiales, par l'intermédiaire d'un processus semblable à la médiation, c'est à dire non pas limité à une seule audience, mais à deux ou trois rencontres obligatoires des parties pour avancer sur des points de désaccord.

Vers une procédure prud'homale davantage figée dans le temps et dans le respect absolu du contradictoire

Si cette phase de négociations / conciliation, plus longue que celle qui existe actuellement n'aboutissait pas, il me semble évident que la réforme des Conseils de prud'hommes nécessite une présidence plus forte, chapeautée par un juge professionnel, avec des délais procéduraux courts et l'obligation de recourir à une procédure selon un calendrier impératif, impliquant le rejet des prétentions et pièces communiquées tardivement.

Et lorsque je dis "rejet", cela signifie rejet automatique : le dossier ne serait alors même pas accepté par le Conseil de prud'hommes de manière "robotique"... ou alors il faut davantage de déontologie dans la gestion des dossiers contentieux, comme le suggère Monsieur Lacabarats, impliquant la soumission à un hiérarchie, des règles et des sanctions.

S'agissant du caractère impératif et quasi automatique du calendrier procédural, les avocats sont déjà habitués aux calendrier procéduraux et au caractère implacable du RPVA. Les justiciables correctement informés s'y feront. 

Pour y arriver, là encore c'est extrêmement simple : le demandeur doit déposer son dossier, par voie électronique et/ou papier, avant une date certaine, validée par le Greffe qui vérifie la complétude du dossier. Si le dossier n'est pas complet, l'affaire est automatiquement radiée, sans audience.

Idem pour la défense qui a un délai impératif pour conclure et déposer pièces et bordereau de pièces : si le dossier en défense n'est pas complet, il est pris dans l'état où il se trouve ; s'il n'est pas livré à temps, il est rejeté.

Toujours la même chose pour l'appel : il faut impérativement passer à une procédure écrite avec ou sans représentation obligatoire peu importe, notamment parce que cela mettra un coup d'arrêt aux appels irréfléchis ou dilatoires.

Le but de toutes ces mesures est d'accroitre l'efficacité de la procédure prud'homale et d'éviter la solution tardive du départage qui fait presque double emploi avec l'appel : ce gaspillage n'est absolument plus tolérable, en particulier à l'heure où l'on parle de "troisième révolution industrielle" et d'optimisation de la consommation des énergies.

Pour ceux qui ne seraient pas encore persuadés de l'évidence de la réforme et qui souhaiteraient une vision - pour partie - plus consensuelle de cette nécessaire réforme, je les invite à prendre connaissance de l'excellent rapport de Monsieur le Président Alain Lacabarats, Président de chambre à la Cour de cassation, rendu en juillet 2014 et comprenant pas moins de 45 propositions pour moderniser les Conseil de prud'hommes.

mercredi 30 avril 2014

Légitime défense et non assistance à personne en danger : amalgames quant à l'agression du métro de Lille

L'agression de la jeune femme du métro de Lille fait encore des échos.

Ce matin, je lis un Tweet d'une des Twitteuses de mes listes se disant avoir la nausée à la lecture de ce billet, écrit par l'un des témoins visuels de l'agression du métro de Lille.

La lecture de ce billet est édifiante : l'auteur anonyme, pour se justifier, fait plusieurs amalgames entre féminisme, machisme, légitime défense et non-assistance à personne en danger.

Pour couronner le tout, comme si cela avait un rapport, le témoin auteur du billet indique qu'il a eu affaire avec la justice en raison de son divorce récent, et que cela fait partie de ce qui motive sa décision parfaitement assumée de ne pas avoir agi.

J'en reste ébahi. Et si ce témoin ne semble pas avoir honte.... j'en suis bien triste pour lui. Surtout, j'invite cette personne à ne surtout pas réitérer de tels propos si elle était poursuivie par la justice pour non-assistance, comme elle en évoque elle même la possibilité. 

Je trouve personnellement bien peu prudent de s'exprimer ainsi en public. Soulagez votre conscience auprès d'un psy, d'un prêtre, d'un imam ou d'un rabbin... mais pas publiquement. 

De mauvaises langues pourraient prétendre que ce billet est proche de l'incitation à adopter un comportement similaire en pareille situation. Je préfère me contenter de souligner que l'auteur se complait un peu trop dans son inaction.

A cet égard, il me semble utile de faire quelques rappels à ce Monsieur ainsi qu'à ceux qui auraient pu être influencés par un ou deux de ses arguments que je trouve particulièrement dangereux pour la société : 
  1. S'il n'y a pas eu viol, il y a bien eu "attouchements" comme l'énonce lui-même l'auteur dans son témoignage à retardement ("Le sale type aviné commence donc à peloter la fille" - sic) ; la loi définit ce type d'acte comme une "agression sexuelle", sous l'article 222-22 du Code pénal et elle punit l'auteur d'une telle agression de 5 ans d'emprisonnement et de 75000€ d'amende.

    Le simple fait de minorer les agissements de l'agresseur sexuel, comme le fait ce témoin dans son billet, est inacceptable.

    La condamnation morale de la prétendue attitude de la victime est encore plus intolérable. L'auteur irait-il jusqu'à prétendre qu'elle le méritait ? Tout cela pour justifier son inaction ? En cas de viol, ce sont les mêmes qui disent "oh ben elle était trop courtement vêtue aussi".

    Je retiens les injures qui me viennent soudainement à l'esprit.
  2. Le problème de légitime défense et le problème de la non-assistance à personne en danger ne sont pas des notions à mélanger, même s'il y a effectivement un lien entre elles ; sans mettre un coup de fusil à l'agresseur de la jeune femme du métro de Lille, ce Monsieur aurait pu réagir, faire entendre sa vigoureuse voix de mâle, voire, même, s'interposer.

    A ce titre, petit rappel de la loi sur la non-assistance à personne en danger (article 223-6 du Code pénal) : "Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende".
    Coïncidence : la peine maximale potentiellement requise à l'encontre de celui qui n'agit pas est la même que celle de l'agresseur sexuel. 

    Que ce soit dit et rappelé à tous les hommes qui pensent que l'expression de leur virilité, même dans un cas pareil, serait prétendument déplacée.
  3. La légitime défense permet d'user de moyens proportionnés à l'attaque ; donc sans risquer d'engager sa responsabilité, on peut largement user de la force physique d'un homme contre un autre homme (voire d'une femme contre un homme, j'en connais certaines qui auraient volontiers placé les testicules de l'agresseur à la place de ses amygdales), à armes égales, notamment pour défendre une femme.
    En effet,
    l'article 122-5 du Code pénal nous indique : "N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction."
    On peut donc, pour empêcher un crime ou un délit user d'un acte de défense de soi-même ou d'un tiers... la situation des témoins désarmés dans une rame de métro à Lille ne me parait donc aucunement comparable à la situation d'un bijoutier à Nice qui s'est armé pour faire face à une attaque.

    Le témoin est déçu par la décision d'un(e) JAF quant à l'issue de son divorce. Ok. Et alors ? quel rapport avec l'appréciation de faits pénaux par les juges qui statuent en matière pénale ? arrêtez, de grâce, de fustiger une justice que vous semblez bien mal connaitre.

    Sans même évoquer la préparation à l'attaque, que certains procureurs culottés n'auraient pas manqué de qualifier de préméditation, le bijoutier qui s'arme n'est pas du tout dans la même situation qu'un passager qui réagit, sur le vif, dans une rame de métro. La parallèle faite par l'auteur du billet me parait donc dangereuse.

Il convient d'évacuer les arguments spécieux de ce témoin de l'agression sexuelle commise en avril 2014 dans le métro de Lille et d'affirmer que : 
  • Il y a bien eu un délit de commis et l'agresseur n'a pas été condamné, au fruit du hasard ou selon l'humeur de juges capricieux, comme semblerait l'entendre, de manière suggestive, l'auteur du billet ;
  • Des témoins de la scène auraient pu réagir sans risquer d'être condamnés du fait de leur assistance à la jeune femme en danger ;
  • La seule interrogation purement morale porte sur le jugement par l'opinion publique de l'attitude des témoins de cette agression.

TOUS les témoins de la scène auraient dû montrer les dents ; ouvrir leur bouche plutôt que de fermer leur gueule. 

A cet égard, le seul point sur lequel je rejoindrais l'auteur du billet en cause, est qu'il est très difficile de dire comment on aurait réagi dans un cas pareil. Et en c'est en cela qu'il est difficile de condamner pénalement tous les témoins de la scène pour non assistance à personne en danger.

De fait : si aucun homme de la rame n'a réagit, aucune femme non plus, visiblement. 

Et sans me risquer, comme l'a fait ce témoin, à des appréciations sur la virilité perdue ou le féminisme de notre société, je continue de croire que, mâle ou femelle, l'Homme est un animal social doté d'instinct de conservation, comme les autres animaux... et que tous ont eu peur... ou ont pensé qu'il valait mieux ne rien dire que d'envenimer les choses, selon l'auteur du billet. C'est une question d'appréciation que tranchera (ou pas) la justice.

Sur la question de savoir si tous les témoins de la scène sont tous auteurs d'un défaut d'assistance à personne en danger, par conséquent, je suis d'accord avec l'auteur du billet : la question est en réalité bien plus compliquée qu'elle ne parait.

La triste réalité est la suivante (et ceux qui en ont déjà été témoins seront d'accord avec moi) : il n'y a pas eu l'étincelle du meneur pour montrer l'exemple. Et ce que souligne parfaitement ce témoin est que dans une pareille situation tout le monde a peur : la victime, les autres, peut-être même l'agresseur qui ne comprend pas encore que son excitation provient pour partie d'une peur enfouie sous l'alcool.

Et oui, l'acte de défense commandé par l'article 122-5 du Code pénal provoque une décharge d'adrénaline au moment du passage à l'acte, mais avant l'adrénaline on est le plus souvent frappé de torpeur, de tétanie. 

La peur est légitime en situation d'agression physique.

Mais le billet de ce témoin semble réduire le choix de l'assistance à une personne en danger à un choix comparable à celui de se rendre ou non dans un bureau de vote. Or, agir en pareil cas est une obligation légale, loi de police oh combien plus impérative que le fait d'aller voter ou non. 

En cela ce témoignage est hallucinant : que ce Monsieur pense ce qu'il veut, mais qu'il n'écrive pas des absurdités du type : " je comprends pourquoi les soldats violent les filles en territoire ennemi. A mon avis, ils se vengent de leurs propres femmes, de tout ce qu’elles leur font subir au quotidien sous couvert d’innocence. Tout ce contrôle social qui monte en épingle des gestes déplacés, c’est le meilleur moyen de frustrer abusivement toute une population d’hommes ".

Oui, tout le monde a peur. Je l'ai expérimenté à deux reprises (dans le métro parisien) et l'une des fois où j'ai réagi, on m'a effectivement regardé comme si j'étais fou. Effectivement, c'était moi le taré puisque j'ai agi seul. Etrangement, un constat proche de celui qui est fait par ce témoin : personne d'autre ne s'est levé. Pas même le gros balaise au fond de la rame.

Or, devant l'intolérable, ce n'est pas à une personne de se lever, mais à toute la rame de métro.

Et ce n'est pas une question de testostérone, de virilité ou de justice : c'est une question de faire ce qui vous parait juste et approprié en votre âme (si vous pensez en avoir une) et conscience.

Il ne s'agit donc pas de fustiger davantage l'auteur de ce billet maladroit sur son attitude au moment des faits. En revanche, je pense utile de combattre sa détestable opinion, avec le présent billet d'humeur en réponse au sien. 

La seule vraie interrogation vers laquelle cet auteur aurait pu diriger ses lecteurs aurait été, plus humblement, vers des questions du type : qu'auriez vous fait ? Vraiment fait, pas "probablement fait". Sans vous la raconter. Agirez-vous la prochaine fois ? Et si vous n'êtes pas seul ? Et si vous êtes seul à réagir, saurez vous affrontez les regards fixes dans le vide pour leur demander de se lever avec vous ? Aurez vous le courage de vous diriger, seul(e) vers l'agresseur alors que vous n'avez en apparence pas le soutien, voire même, que n'avez que la désapprobation silencieuse de toute la rame de métro ?

Et voici une invitation à l'inverse des termes de celui dont je combat l'opinion : tentez le coup et réagissez, au moins de loin ; il sera toujours temps de fuir si jamais l'agresseur se tourne vers vous. Et peut-être que votre initiative en fera réagir d'autres.

mercredi 26 mars 2014

Les demandes de devis en ligne à des avocats : gratuit ou payant ? tout dire ou non ? Le code de bonne conduite de l'internaute.

Les avocats reçoivent régulièrement des demandes de devis par internet et les internautes sont ravis de pouvoir recevoir des devis gratuitement, sans être facturés 300 EURO pour une consultation au cabinet, lors de laquelle ils retiennent un mot sur trois ce qu'on a pu leur dire.

Mais la gratuité du devis de l'avocat répond à certaines règles et je crois qu'il est plus que temps que l'internaute soit éduqué à ces principes qu'il ne connait pas forcément.

La plupart du temps, les interrogations des internautes, futurs éventuels clients des avocats, tournent autour de ce qu'ils pourraient entreprendre et surtout de combien cela va leur coûter.

C'est d'ailleurs bien naturel, et il ne faut pas réprimander un justiciable qui demande tout de suite à l'avocat qu'il consulte combien cela va coûter, car je pense que c'est une trace de l'honnêteté (au moins intellectuelle) de la part de ce client, dont la détermination à régler les honoraires de l'avocat n'est pas forcément feinte.

Toutefois (et là je m'adresse aux internautes non avocats qui envisagent d'introduire une action judiciaire) si un avocat ne répond pas immédiatement à votre demande de fixation d'un tarif, notamment pour une procédure judiciaire, la plupart du temps, c'est parce que la situation que vous avez exposée n'est pas complète ou ne permet pas à l'avocat de se faire une idée précise des options procédurales qui s'offrent à lui, et donc à vous.

De plus, une procédure judiciaire n'est pas un acte unilatéral : sauf ordonnance 145 Cpc ou ordonnance LCEN, c'est une procédure contradictoire où les diligences de l'avocat et donc le temps passé par l'avocat sur le dossier, sont fonction des arguments et des facéties de la partie adverse, voire même, parfois, du juge.

Enfin, le Code de procédure civile et le Code de procédure pénale comptent suffisamment de règles et d'exception, sans compter les textes dérogatoires du Code de la propriété intellectuelle ou de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, pour qu'i soit permis à un avocat de douter sur la bonne voie à prendre dans telle ou telle situation...

... et donc de douter sur le montant du devis à établir en fonction de la complexité du dossier.

Soyez donc aussi généreux avec l'avocat que vous espérez qu'il le sera avec vous : faites lui croire en votre dossier en évitant ; 1) d'en rajouter comme si vous étiez la plus malheureuses des victimes (nous avons déjà eu un cas plus grave que le vôtre, si, si) ; 2) de vous borner à poser des questions du type "avant d'aller plus loin..." ou encore "avant de répondre à vos questions..." lorsque votre avocat vous pose des questions ; 3) de craindre la facture de l'avocat comme si c'était une sanction.

Ce genre d'attitude méfiante chez l'internaute éveille des soupçons chez l'avocat.

Et vous n'avez certainement pas envie que votre avocat soit soupçonneux à votre égard... cela risquerait de transpirer devant le juge, si toutefois l'avocat accepte votre dossier, et alors le droit pourrait bien devoir s'appliquer, malheureusement pour vous (pour paraphraser l'avocat d'un ancien Président de la République que je ne nommerai pas).

On ne veut pas d'un avocat soupçonneux : on veut un avocat convainquant. Soyez-le donc, vous-même, avec votre avocat.

En effet, si un avocat vous interroge, en réponse à votre premier courriel, sur les faits, leurs circonstances et/ou s'il vous demande des pièces et notamment votre carte d'identité ce n'est pas forcément pour vous facturer honteusement et de manière démesurée des services qu'il ne considère peut-être même pas lui-même comme encore rendus (ceci dit, je ne me permettrais pas de parler pour tous mes Confrères).

Si votre avocat vous interroge ainsi, c'est précisément pour faire le tour de la question que vous lui soumettez.

Encore aujourd'hui, j'ai le cas d'une charmante dame qui m'interroge à la suite d'un premier courriel en réponse que je lui ai adressé lui demandant des précisions importantes sur son dossier : "Avant d'aller plus loin dans nos échanges, j'aurais quelques questions complémentaires" m'écrit-elle.

Mais, cette charmante dame n'a pas répondu à mes questions : quels sont les liens internet des infractions litigieuses ? par quelle requête Google y arrivez-vous ? qui est l'éditeur du service ? qui en est l'hébergeur ?

Et, sans aucune réponse à ces questions, je devrais répondre aux questions : quelle procédure sera la plus efficace ?  combien coutera-t-elle ? et combien de temps prendra-t-elle ? Eh, bien, non : ce n'est pas ainsi que cela fonctionne.

Aussi désagréable que cela puisse paraitre, c'est l'avocat qui dirige le dossier, pas le client : le client opère des choix en fonction des propositions de l'avocat ; on appelle ces choix des "instructions".

En clair, l'avocat suggère des options et le client choisi parmi ces options : elles deviennent des instructions pour l'avocat.

Et, selon ce principe, je tiens à interpeller tous les internautes en quête d'un devis gratuit d'avocat, pour moi et pour l'ensemble des avocats de France et de l'Union Européenne : ne répondez pas aux questions d'un avocat par d'autres questions.

Répondez aux questions en répondant aux questions. Vraiment.

Vous vous rendrez service et vous éviterez que l'avocat soit tenté de vous adresser une facture mirobolante avant même de lire votre dossier en se disant "ce client va être ch...armant mais sans doute un peu insistant".

Pour ma part, je suis un peu plus tolérant et j'évite ce genre de raccourci réduisant le client à un nuisible à qui il faut faire cracher son fric. Non, tous les avocats ne sont pas ainsi, je pense qu'il est temps de le rappeler.

Je me suis donc fendu d'un nouveau courriel explicatif à cette charmante dame, persuadé que cette dernière n'avait pas compris l'importance de mes questions. Cela m'a encre pris 45 bonnes minutes gratuites.

Mon frère, Directeur commercial d'un belle entreprise me rappelait qu'il passait bien plus de temps à faire de devis gratuits. Je me suis humblement permis de lui rappeler qu'il recevait un salaire pour cela... et que ce n'est pas le cas des avocats.

Mon frère est compréhensif à mon égard. Visiblement, mes clients, moins (moinnssse pour mes amis Castrais et Toulousains).

Il n'en demeure pas moins qu'il me parait juste de soutenir qu'il ne faut pas s'attendre à être pris au sérieux par celui que vous prenez pour un jambon.

Donc quand votre avocat vous pose des questions, il faut lui répondre, sans rien oublier, même si la honte vous étreint.

Et quand il vous fixe un devis et un budget et que vous n'en avez pas les moyens, il faut le lui dire, tout simplement : des solutions de lissage des paiements dans le temps sont possibles, surtout lorsque la procédure judiciaire est longue.

Matthieu Cordelier
Avocat à la Cour
http://www.cordelier-avocat.fr

jeudi 20 mars 2014

Ecoutes indirectes : l'avis d'un Ancien Membre du Conseil de l'Ordre des Avocats de Paris

J'ai été autorisé par un un Confrère que j'apprécie et que j'admire à publier ses propos tenus au sein d'une lettre ouverte qu'il a diffusée auprès de plusieurs d'entre nous, à propos des écoutes qui font tant de bruit dans la presse et chez les magistrats qui s'offusquent de noms d'oiseaux alors que j'ai pu entendre, ici ou là, bien plus insultant à l'égard de la profession d'avocat (tant de la part de magistrats du siège et que de magistrats du parquet).

Je pense donc utile de diffuser son message car, outre son caractère parfois "piquant", il porte une vraie proposition de contrôle quant aux écoutes que les juges pourraient décider de mettre en place sur les lignes téléphoniques ou autres moyens de correspondance privée des avocats.

Il me semble utile de rappeler qu'il ne s'agit pas seulement d'une liberté fondamentale des derniers gardiens des libertés des justiciables : la confidentialité et le secret professionnel sont inscrits dans la loi de 1971 régissant la profession d'avocat ; c'est donc un devoir, une obligation qui s'impose à tous, même aux juges d'instruction.

Par précaution, j'ai volontairement masqué son patronyme. Le reconnaitront ceux qui ont l'habitude de le lire et/ou de le fréquenter.

Pour ma part, je lui donne mille fois raison.

Amis, Compagnons et Camarades,

Comme vous, je suis choqué d’apprendre qu’un avocat peut être mis sur  « écoutes indirectes » et que ses propos soient retranscrits dans des Procès Verbaux. Il s’agit de la mise en danger d’une règle essentielle au bon ordre de la société

Quand je lis les propos un peu bourrus que cet Avocat tient à propos de magistrats, j’en frémis. S’il m’est arrive d’être l’objet d’écoutes « indirectes » je suis bien persuadé qu’il m’est arrivé de m’exprimer de façon bien moins élevée, en m’inspirant du répertoire des chansons gaillardes que mon grand père m’a apprises, je pense à la « Petite Huguette » ou aux « Trois Orfèvres ». Heureusement, ou peut-être hélas, la prescription est acquise et plus personne ne peut plus m’obliger à chanter. Là est aussi une règle fondamentale au bon ordre social.

A l’évidence, il n’est pas raisonnable de laisser Juge d’Instruction le droit d’ordonner ou d’exploiter des écoutes. La nature humaine fait qu’il ne peut qu’être tenté d’abuser de ce droit.  Pour ceux d’entre vous qui ont pratiqué le Rugby, il s’agit d’une infraction à la règle du plaqueur-plaqué.

Notre Ordre et nos Bâtonniers vont en parler au Président de la République. Je leur avais suggéré de réserver le droit d’écouter à trois magistrats tirés au sort en début d’année. On m’a fait valoir que cette affaire était sérieuse et qu’il fallait arrêter de rigoler.

 Trois possibilités semblent ouvertes :

- réserver le droit d’ordonner et d’exploiter les écoutes au JLD
- réserver ces mêmes droits à un magistrat Civil, le Premier Président du Tribunal
- les réserver à la Haute Autorité chargée du contrôle des interceptions administratives.

Je ne pense vraiment pas que le JLD soit une bonne solution. Il existe avec le Juge d’Instruction un lien trop fort de consanguinité. Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.

Je suis réfractaire aux « Hautes Autorités » dont la propension à la révolte m’a toujours semblée limitée.

Reste le Président du Tribunal. Jusqu’à une date récente, c’est lui qui examinait les pièces saisies chez un confrère perquisitionné et placées sous scellés à la demande du représentant de  l’Ordre. Nous n’avions pas à nous en plaindre.

Et vous, qu’en pensez vous ?


Etienne T., AMCO ASC etc…